Bande Dessinée et disque – Passion et collection

Si le Festival d’Angoulême de la BD demeure la référence en France avec sa 47ème édition, de nombreux salons dans d’autres régions font vivre la passion, certains associent d’autres univers comme le disque, à l’exemple du Salon du disque et de la Bande Dessinée au Mans, avec sa 13ème édition.

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Angoulême

Le siècle de la Bande Dessinée

Et si ce n’était pas “l’année”, mais “le siècle de la bande dessinée” qu’il convenait de célébrer ? Alors que le ministère de la Culture lance son programme BD2020, il apparaît indispensable de se projeter plus loin. Tout d’abord, cette reconnaissance institutionnelle n’arrive pas par hasard : elle couronne vingt années de croissance quasi continue et hors norme. Avec des ventes en hausse de plus de 10% cette année encore, la bande dessinée s’affirme comme l’exception du secteur livre, et plus largement des supports physiques liés aux industries culturelles.

Comment expliquer l’engouement aussi miraculeux qu’inattendu pour ce médium vieux d’un siècle, encore dépendant d’un archaïque papier et d’un réseau de points de vente ayant pignon sur rue ? Surtout, comment expliquer que ce vestige de la révolution industrielle ait pris son envol au moment précis où s’amorçait la transition numérique ? Soit un contexte qui aurait dû lui nuire, alors que se multipliaient les vents contraires et que s’accélérait la concurrence des divertissements et des réseaux de distribution, bousculant au passage cet ancien monde auquel la bande dessinée appartient.

Les raisons d’une telle anomalie sont bien sûr multiples. Une première piste de réponse semble se dessiner avec l’effet de rattrapage que connaît son économie. Le mépris que la bande dessinée a connu et qui a entravé son développement au cours du XXe siècle a cédé subitement il y a vingt ans, sous la pression d’une nouvelle scène éditoriale et artistique. A la manière d’un pays en voie de développement qui entrerait soudain dans La mondialisation, son économie a été littéralement propulsée. Aujourd’hui, ce cycle de rattrapage touche à sa fin et ses effets s’atténuent, même si la diversification des formats et des publics suffit encore à expliquer la bonne santé des sociétés d’édition.

Une autre piste pourrait être avancée, plus philosophique celle-là : et si la bande dessinée était en phase, par nature, avec le XXIe siècle ? Nul ne peut ignorer qu’il existe parfois une relation ontologique entre un art et son époque. Le cinéma en est l’exemple le plus récent, médium par excellence de l’âge industriel et de sa civilisation. Son système de création industriel par essence, sa naissance capturant la vie à l’usine par les frères Lumière, et sa maturité précipitée par la dénonciation de la plus barbare des industrialisations, celle de la mort en 1945, convergent pour démontrer qu’il existe parfois une osmose unique entre un médium et la civilisation qui l’enfante.

Personne ne peut encore dire quel Art incarnera l’ère digitale (le jeu vidéo ?), ni même s’il est advenu ou encore à inventer. Ce qui semble assuré, en revanche, c’est que l’image sera le verbe du XXIe siècle. L’hégémonie de l’écrit appartient au passé. Or, pour traverser cette époque de transition, et en attendant l’éclosion de l’Art qui sera par essence celui de la civilisation numérique, la bande dessinée pourrait être l’un des vieux médiums, si ce n’est le médium le plus pertinent.

Pertinent tout d’abord parce qu’il accompagne lumineusement l’adaptation à ces nouvelles interactions humaines qui ne savent plus conjuguer le mot sans l’image. Pertinent surtout parce qu’il permet de songer aux nouvelles formes poétiques qui pourraient s’épanouir dans les esprits de demain. Paul Valéry remarquait que l’on s’est trop longtemps servi du langage comme d’un instrument, tout en négligeant sa fonction poétique. Alors que l’image a de tout temps coexisté plus ou moins pacifiquement avec l’écriture, cet engouement pour le 9e art, particulièrement dans son rapport au réel, n’est pas sans questionner le lien du médium à l’époque. Et si la bande dessinée portait en elle quelques-uns des germes des futures structures de notre pensée ? Et si elle augurait des changements de l’expression de notre sensibilité, de notre rapport aux autres et au monde ? Une année ne suffira jamais à faire le tour de ces questions.

Stéphane Beaujean • Directeur artistique du Festival – https://www.bdangouleme.com

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Le Mans

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Interview de l’organisateur avec quelques images du salon du Mans …

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(c) Les Reporters du Net – 2020